L’inhumanité de ce modèle prend souvent des allures plutôt grotesques, comme par exemple, les chenilles qui détruisent les récoltes sont excommuniées avec tout le rituel qui va avec et condamnées à l’exil. Un cheval qui fait tomber son maitre, un chien qui mord un enfant, un cochon qui a bouffé la récolte du voisin etc… tous ces animaux subissaient un procès qui finit presque toujours par la sentence de mise à mort avec un cérémonial des plus morbides, comme la mutilation, l’amputation ou la pendaison de l’animal. Toute la population avait l’obligation d’assister à cette mise à mort qui souvent allait de pair avec celle du propriétaire de l’animal. Il faut attendre le milieu du 18ème siècle pour qu’en Europe, l’Eglise catholique mette fin à cette barbarie et le dernier procès contre un animal s’est passe en France, en 1741, c’était contre une vache coupable, selon le clergé : « d’actes honteux ». Pour les humains, la torture est encore pire et va prendre le nom de « purgatoire » comme maladie et « d’indulgence » comme remède. C’est contre cette tyrannie théocratique qui n’épargne même pas les animaux que les résistances vont s’organiser à partir du 15ème-16ème siècle, pour lutter surtout la goute d’eau qui a fait déborder le vase et a un nom : le purgatoire. LE PURGATOIRE Dans son livre de 516 pages intitulé "La naissance du Purgatoire", publié en 1981 chez Gallimard dans la collection : “Bibliothèque des histoires”, l’historien français Jacques Le Goff soutient que contrairement à ce qu’affirment ses collègues historiens, le Moyen-Age n’a pas été que les 1000 ans de sommeil mentale de l’Europe, mais bien plus. Dans une interview qu’il accorde à Nicolas Truong dans le mensuel « Le Monde de l'éducation » de Mai 2000, il va déclarer : « Au Moyen Âge se met véritablement en place l'élément fondamental de notre identité collective occidentale, qu'est le christianisme». Pour comprendre le poids de ces mots il faut attendre un an, pour lire dans le numéro de Juillet-Aout 2001, du même magazine où il ajoutera : « Le christianisme. C'est une spiritualité, une vision du monde, mais surtout un processus de civilisation, la civilisation européenne ». Mais en quoi le Purgatoire est-il si important à l’Eglise Catholique ? Pour le savoir, il faut rentrer dans son livre « La naissance du Purgatoire » où il explique que c’est grâce à l’invention du Purgatoire que l’Eglise va revivre son deuxième souffle. La bible est un livre sacré, son contenu est supposé dicté par dieu lui-même. Oui mais voilà, au 13ème siècle l’église va surprendre tout le monde en organisant la vie même chez dieu. Jusque-là on était habitué au fait que le Pape représentait dieu sur terre et dieu s’occupait des hommes après leur mort. Cette fois-ci, constatant que dieu était trop laxiste, et incapable de bien gérer l’au-delà, l’Eglise catholique va prendre les devants et créer ce que Luther appellera au 16ème siècle « Le Troisième Lieu », ou tout simplement, « Cet au-delà "inventé" qui n'était pas dans l'Ecriture » conclura Jacques Le Goff, ce Purgatoire qui sera validé ensuite par le Concile de Lyon en 1274. Cette décision de l’Eglise va recevoir une publicité inespérée au début au 14ème siècle avec la publication du plus grand chef d’œuvre poétique de tout le moyen-âge, le livre de l’Italien Dante Alighieri, dénommé « La Divina commedia », la Divine Comédie (ou « La Commedia » à l’origine), un cantique de poèmes écrits entre 1307 et 1321. Ce sont des poèmes en langue florentine. Son succès est tel que ce qui n’était qu’un dialecte régional, va s’imposer sur les autres dialectes de la péninsule où jusque-là, seul le latin est la langue officielle, pour devenir l’italien que nous connaissons aujourd’hui. Dante va s’imaginer après la mort où les choses ne se passent pas exactement comme il a toujours cru d’une destination simple entre le paradis et l’enfer en fonction de ses péchés sur terre. Les choses ne sont pas aussi faciles parce qu’il se retrouve devant une troisième voie : le purgatoire.
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