« En Chine, l’Europe, l’Amérique et le Japon ont pensé uniquement à accumuler de l’argent et à obtenir des succès de prestige. Le pays ne pourra jamais oublier les affronts et les vols subis et, c’est fatal, au fond de son subconscient il rêve d’une revanche historique, d’ampleur apocalyptique. En matière de Realpolitik, les Chinois n’ont rien à apprendre et se comporteront toujours en fonction de leur intérêt, dans le sens le plus strict du terme, même si celui-ci est enrobé de la pensée de Mao ou de Lénine. L’Occident ne peut se laisser bercer par les illusions cultivées sur le Potomac. La Chine est un pays de 700 millions de personnes parmi lesquelles il existe de nombreuses intelligences dotées de tout le nécessaire pour l’élever aux plus hauts niveaux dans les domaines scientifiques, industriel, commercial et militaire. Il est certain qu’aujourd’hui la menace qui pèse sur l’Europe est plutôt celle de Moscou que celle de Pékin, mais je ne crois pas qu’il s’agisse encore là d’une évaluation d’actualité ou d’avenir, parce que dans un monde qui rétrécit chaque jour, il reste à voir si le choc éventuel des divisions soviétiques sur l’Elbe est plus dangereux que le choc insinuant des innombrables chinois. Accueillons la Chine dans le Palais de Verre mais en étant pleinement conscients du danger potentiel qu’elle représente. Et devant le Kremlin et la Cité Interdite tâchons de garder notre sang froid et de soupeser, avec largesse de vues mais avec la balance de précision de l’orfèvre, ce que nous pourrons retirer d’une telle rivalité, mais aussi les inconnues d’un accord entre eux, toujours possible et qui serait terrible ».  ASMAE, Giusti del Giardino à Nenni, lettre n. 309 du 31 janvier 1969.
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