Chaque fois qu’un pays africain semble s’éloigner du circuit d’appauvrissement et d’endettement que les meilleurs économistes de la Banque mondiale et du FMI avaient planifié pour lui, les alarmes sonnent pour concocter une campagne de désinformation médiatique afin de le remettre sur le mauvais chemin. Les relations sino-africaines sont une sphère de la politique étrangère africaine qui a été envahie par les mites de la désinformation, de la propagande, et qui en conséquence est maintenant le nid de demi-projets confus, d’annulation d’accords et de mépris de confiance pour l’autre. Aujourd’hui, en Afrique, impossible de prononcer le mot “Chine” sans que le mot “colonisation” ne suive très loin, impossible de suggérer un rapprochement entre l’Afrique et Pékin sans que les yeux des politiciens africains ne s’arrondissent et que leurs poings ne se serrent. On nous fait croire à une prudence naturelle des Africains. L’Afrique ayant été forgée dans la souffrance de la colonisation, il est donc évident qu’elle en guettera les signes pour ne pas se faire avoir une deuxième fois. Pourtant, ce qui est étrange, c’est que les discours venimeux tenus contre la Chine ne se tiennent pas contre les autres pays avec lesquels l’Afrique noue des partenariats. Par exemple, lorsqu’en 2024, le Japon annonça investir 30 milliards de dollars en Afrique, ni Jeune Afrique ni RFI, deux médias financés par l’Etat français, n’alertèrent les populations africaines de se méfier des intentions douteuses de leurs nouveaux partenaires japonais. Pourtant, l’accusation aurait été un peu plus pertinente: le Japon fut lui une véritable puissance colonisatrice, dont la politique coloniale s’est beaucoup inspirée de la politique coloniale française d’assimilation culturelle. En 2023, 76.8% des investissements Chinois à l’étranger étaient en direction de l’Asie, et en deuxième place est venue l’Europe avec 7.2%. C’est avec un maigre 5.2% que l’Afrique venait en troisième place. Rappelons que pour un investissement plus faible que l’Europe, l’Afrique est presque deux fois plus peuplée. L’investissement par capita est donc encore plus faible que l’investissement total. Pourtant, aucun premier ministre Européen ne déclare que l’Europe est colonisée par la Chine. Voice of America, même si regardant les relations diplomatiques Chinoises en Asie d’un mauvais œil, ne prétend jamais que l’Asie est une “colonie” de la Chine. C’est un mot qui est réservé aux Africains, car c’est un moyen facile d’obscurcir notre bon sens. Aujourd’hui, la Turquie est à la mode chez les néo-révolutionnaires africains, comme le pays ayant supposément le meilleur potentiel d’être un allié de l’Afrique. Pourtant la Turquie n’a ni les capacités économiques ni technologiques pour fournir l’investissement nécessaire qui permettrait à l’Afrique de s’industrialiser. Alors pourquoi la Turquie, et pourquoi pas la Chine? Pourquoi c’est la Chine qu’on accuse d’être le nouveau colon, et pas le Brésil, le Japon, la Turquie? Les Américains nous offrent leur réponse. Pas dans des médias de désinformation tels que Voice of America qui sont eux destinés à une audience africaine, mais dans leurs rapports de défense annuels publiquement disponibles, qu’ils savent que les Africains de toute façon ne liront pas. En 2022, le rapport de stratégie de défense américain dicte: “The PRC is the only competitor with both the intent to reshape the international order and, increasingly, the economic, diplomatic, military, and technological power to do it.” En français, cela signifie: “La république populaire de Chine est la seule compétitrice avec et l’intention de remodeler l’ordre international, et, de plus en plus, le pouvoir économique, diplomatique, militaire et technologique de le faire.” On comprend donc pourquoi c’est la Chine qui est la cible de tous les maux. Nombreux sont les pays dans le monde qui se retrouvent du côté perdant du modèle économique actuel et qui souhaiteraient voir un changement de la situation. Or, ces pays ne représentent aucune menace pour le monde occidental, car ils n’ont pas les moyens de proposer un modèle alternatif concret. Un pays Africain comme le Burkina Faso peut avoir toutes les meilleures intentions du monde, mais tant qu’il restera pauvre et en retard technologiquement, il ne sera pas différent de la mouche volant près de l'œil d’un éléphant. Si c’est vers la Chine qu’il y a autant de peur des occidentaux, c’est parce que la menace à leur pouvoir en Afrique, est réelle. Les activistes africains, anti-Chine se bombent le torse et hurlent haut et fort que l’Afrique ne doit jamais s’abaisser à devenir une partenaire stratégique de la Chine sinon elle risque de perdre sa souveraineté. Ils confondent la rébellion et la révolution, et pensent que pour être libre il faut être seul. Pourtant, il s’agit d’une narration trompeuse, qui utilise la peur des Africains contre leurs propres intérêts. Nous vivons dans la période la plus mondialisée de l’histoire de l’humanité. Les pays les plus pauvres sont ceux les moins intégrés dans l’économie du monde. Cuba et la Corée du Nord souffrent profondément de leur exclusion politique de l’économie du monde. L’Afrique est le continent qui souffre le plus de sa non-intégration. Cependant, nous ne pouvons pas oublier que c’est une non-intégration programmée, politique, historique, qui arrange les pays occidentaux dont la richesse dépend de cette exclusion. C’est une souffrance scientifique, qui aurait pu perdurer encore des siècles sans l’ouverture d’une fenêtre d’opportunité.