Ma soutenance en Italie portait sur
"Comment des pays comme le Canada et les Etats-Unis sont devenus riches grâce à l'agriculture, mais pas le cas d'aucun pays africain, pas le cas du Cameroun. Pourquoi ?"
En 1988, pour trouver une place de stage dans mon pays le Cameroun, à l'ONCPB de Douala, l'institut qui gérait les ressources des agriculteurs camerounais, j'avais été obligé de me faire passer pour un blanc, en modifiant mon nom en Poulaga, pour le faire sonner bien français et non Pougala. C'est ainsi que je serai admis comme un blanc, à faire mon stage académique dans cet organisme que je quitterais en catastrophe par la case commissariat, accusé par les autorités camerounaise d'être un espion à la solde de l'Italie.
Mais j'avais suffisamment recueilli les informations sur le dysfonctionnement du modèle économique camerounais pour compléter ma soutenance, surtout après mon passage à l'Union des coopératives Agricoles de l'Ouest (UCCAO) à Bafoussam.
Ici au Canada, mon séjour m'a convaincu que les autorités camerounaises, même dans 100 ans, continueraient à entretenir la pauvreté de la population, comme le voulait le système dominant contrôlé au Cameroun par la France.
En Italie, j'avais passé des examens en faculté d'économie, sur la dispute entre les économistes britanniques Ricardo et le démographe Thomas Malthius à la fin du 18ème siècle et dont les conclusion ont permis d'utiliser l'agriculture pour mettre fin à la famine au Royaume Uni et sortir le pays de la pauvreté, théories ensuite reproduites ici en Amérique du Nord, notamment aux Etats-Unis et au Canada.
Malthius partait d'une constatation que naturellement, la population d'un pays double tous les 25 ans. La seule manière d'empêcher que cette nouvelle population sombre dans la misère, c'est la culture des céréales. Il en conclut que "il vaut mieux les céréales que le pâturage".
En d'autres mots, dans une population pauvre, il vaut mieux la sortir de la pauvreté avec la culture des céréales, plutôt que l'élevage, car le cycle de trois mois vers la récolte est suffisamment court pour renouveler le capital investi. ce qui n'est pas le cas de l'élevage, plus complexe.
On en ressortira avec la Corn Law en 1773 et 1815 pour encadrer le commerce des céréales avec l'étranger. En 1815, il prend le nom de Corn Law Act de 1815, et vise à "interdire toute importation de céréales lorsque les prix sur le marché, descendent en dessous d'un certain montant.
Les Etats-Unis et le Canada avaient suivi les théories économiques résultants de la Corn Law et les résultats étaient spectaculaires. Ce sont les céréales qui permettent au Canada et aux Etats-Unis d'avoir une balance commerciale excédentaire depuis au moins 100 ans.
C'est principalement ce qui a motivé mon voyage vers le Canada, en novembre 1990, après avoir compris les manquements des dirigeants camerounais deux ans plus tôt.
A la Coopérative agricole de Saint Isidore de la Prescott, sur la photo, prise en janvier 1991, je me connectais tous les matins à la bourse des matières premières de Chicago, à travers un ordinateur et l'ancêtre d'internet, qu'on appelait à l'époque BBS (Computer Bulletin Board System.
C'était un système de messagerie qui permettait à travers un ordinateur connecté sur un modem d’appeler une machine spécifique pour consulter les messages que d’autres utilisateurs y avaient laissés.
Nous étions connectés à travers un serveur de l'Union des Coopératives de l'Ontario (UCO).
Je tenais à en comprendre les mécanismes de fonctionnement pour garantir la rentabilité de la culture des céréales sur le long terme.
Il s'agissait pour moi, comme économiste agricole, dans la coopérative, de conseiller les adhérents jour après jour sur les céréales à mettre en sol et obtenir le meilleur rendement à la récolte, en anticipant, les prix sur le marché boursier de Chicago à la récolte.
Pourquoi Chicago ?
Fondée en 1848, le Chicago Board of Trade (CBOT) est la plus ancienne bourse de commerce au monde, elle est située dans le centre ville de Chicago dans le nord des Etats-Unis. Sa caractéristique était que c'était un marché à terme, qui permettait de vendre à un prix donné avant de se mettre à produire des céréales.
Une fois obtenu les prix du jour, je me mettait au guidon de la moto-neige, même sous -40°c pour aller entretenir directement les cultivateurs. Il m'arrivait d'être accompagné par le fils de mon bailleur canadien qui aimait la vitesse avec la motoneige, et surtout l'accueil des agriculteurs, qui nous attendaient toujours avec de bonnes choses à manger, en écoutant la bonne nouvelle que je devais leur apporter, ou la mise en garde par rapport à des céréales à éviter pour la prochaine campagne.
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