Non ce n’est pas vrai que si l’Ukraine ne signait pas le Mémorandum de Budapest en 1994, elle aurait son arsenal nucléaire aujourd’hui et pourrait l’utiliser contre la Russie. Et ce pour plusieurs raisons :
Les Accords entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis interdisaient la fabrication de ce qu’on appelle les armes intermédiaires, c’est-à-dire qui peuvent toucher une cible à moins de 5.000 km. Par conséquent, tout l’arsénal soviétique y compris celui stocké en Ukraine étaient prévues pour toucher les Etats-Unis et non l’Union Européenne, c’est-à-dire, une cible à au moins 11.000 km. C’est pour cela que ce sont les Etats-Unis qui se sont précipités à signer le Mémorandum de Budapest en offrant même des compensations financières à l’Ukraine.
Les armes atomiques en Ukraine étaient exactement comme celles que les Etats-Unis ont en ce dimanche 25 mai 2025 au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique, en Allemagne et en Turquie. Aucun de ces pays ne possède le code pour faire partir la bombe. Pire, aucun de ces pays ne dispose de l’expertise pour utiliser ces bombes contre qui que ce soit, si ce n’est décidé à Washington. C’était exactement le cas de l’arsenal atomique stationné en Ukraine, par l’Union Soviétique. Tous les codes pour les faire fonctionner étaient jalousement tenus à Moscou. Toute l’expertise pour manipuler les bombes n’étaient qu’en possession des hommes envoyés par Moscou et qui de leurs dires, avaient pour mission de désactiver les ogives si l’Ukraine avait refusé de signer le Mémorandum de Budapest en 1994.
Il n’y avait pas que l’Ukraine qui possédait les ogives nucléaires. Il y avait aussi la Pologne, l’Allemagne de l’Est, la Biélorussie, le Kazhasktan. Comme aucun de ces pays ne possédait la technologie, ni les clés des ogives nucléaires, tous les ont transmis en Russie pour être détruits.
Nous savons aujourd’hui que la plupart des ogives nucléaires stationnés en Ukraine étaient sur le point de périmer. C’est-à-dire que pour des raisons de sécurité, toutes les bombes atomiques ont une date d’échéance. Passé ce délai, il faut remplacer l’essentiel de leurs composants électroniques et surtout électromagnétiques. Des documents déclassifiés, nous savons que les experts russes chargés de la surveillance des bombes en Ukraine le savaient et n’avaient rien dit aux Ukrainiens, qui bien sûr ne savaient pas qu’il existait une échéance pour les bombes.
A l’indépendance de l’Ukraine, la plupart de ceux qui ont pris le pouvoir étaient des Américains de nationalité, mais d’origine ukrainienne, venant tout droit des Etats-Unis. Ils avaient beau être des ingénieurs en bombe atomique que les deux pays, n’utilisaient pas le même système opérationnel, encore moins la même technologie. Ils étaient donc de toutes les façons devant ces bombes comme des parfaits néophytes. Et n’auraient jamais pu les utiliser comme faisant partie de l’arsenal militaire de la nouvelle Ukraine.
Pour aller plus loin,
Dermot Nolan est un chercheur irlandais. Dans une analyse du 2 janvier 2023 intitulée :
« Ukraine, le mémorandum de Budapest et la question nucléaire »
Il cite Polina Sinovets et Mariana Budjeryn, dans “Interpreting the Bomb Ownership and Deterrence in Ukraine’s Nuclear Discourse”, NPIHP Working Paper no 12, (Woodrow Wilson Center, publié en décembre 2017)
Dermot Nolan écrit :
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(…) En raison de la centralité de la Russie dans l'Union soviétique, le placement de forces nucléaires en Ukraine n'était que cela : « placement en Ukraine ». Ces forces n'ont jamais été cédées à l'État ukrainien, même à l'indépendance. Joseph P. Harahan souligne la question avec beaucoup d'excellente qualité, dans son « histoire du programme de réduction des menaces coopératives », où il fait remarquer que les dirigeants de la Russie, de l'Ukraine et du Bélarus « ont approuvé l'organisation et la structure des forces armées de la Communauté d'États indépendants (CEI), ils ont rapidement statué sur la signification des contrôles opérationnels et administratifs sur les armées de fusées et les divisions aériennes. Ils étaient d’accord sur la question de savoir qui possédait les bases militaires, les silos de missiles, les champs d'essai et les armes stratégiques ». « Au Bélarus, au Kazakhstan et en Ukraine, les armées de roquettes, les divisions de missiles et les commandements des bombardiers : tous étaient sous la direction des généraux russes, exploités et entretenus par des officiers et des hommes russes. Ils étaient contrôlés à partir du poste de commandement supérieur de la capitale russe pour leur personnel, leur financement, leurs communications, leurs normes de sûreté nucléaire, leurs systèmes de sécurité, et même leurs objectifs opérationnels. Leur loyauté professionnelle était envers la Russie, mais leurs armées et leurs commandements étaient situés sur le territoire d'une autre nation. » Ce point a été réitéré par Polina Sinovets et Mariana Budjeryn lorsqu'ils ont noté que l'establishment militaire soviétique était, en général, exceptionnellement secret, centralisé et étroitement contrôlé par les autorités de Moscou et que le bras nucléaire, les Forces de roquette stratégique (SRF), l'étaient encore plus. (...)
Compte tenu de la propension de la Russie à sa sécurité, et à la lumière de la situation déplorable qui se déroule aujourd'hui en Ukraine, il pourrait être désagréable de dire que, dans les limites de l'Union soviétique, l'Ukraine était un vassal russe. L’affirmation de Gerard Toal renforce cette affirmation – en référence spécifique à l’Ukraine – toutes les décisions au sein de l’Union soviétique « ont été prises par une petite élite dirigeante au sein d’une structure de pouvoir impériale ayant son siège à Moscou, avec peu de considération du sentiment local ou de la cohérence et de la légitimité des politiques qui en résultent. L'Ukraine soviétique a été conçue à Moscou à partir de territoires conquis et contrôlés par l'Armée rouge : les calculs au sommet de la puissance du Kremlin ont été mis en avant comme tous les autres »
Dans ces conditions, nous devons accepter que les armes nucléaires sur le territoire ukrainien se trouvaient sur leur territoire par l'imposition, et non sur invitation. Nous devons en outre admettre que, tout comme les forces conventionnelles qui avaient occupé les électeurs de l'ex-Union soviétique - et du Pacte de Varsovie - l'arsenal nucléaire soviétique était de facto, sinon de jure, russe.
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