Au cours préparatoire, c'est à dire à nos enfants de 6 ans on enseigne en arithmétique que 1+1 = 2 ; 2+2 = 4 ; 4-3 = 1. À partir du CM1, c'est-à-dire à nos enfants de 9 ans, on y ajoute des "problèmes" un peu complexes du style : en élevant 10 poules auxquelles je donne chaque jour 5 litres d'eau, si j'en vends 4, combien m’en reste-t-il ? Et combien de litres d'eau par jour aurai-je donc besoin pour nourrir le restant des poules ? Réponse des enfants : Il restera 6 poules. Et pour les abreuver, il faudra 3 litres d'eau chaque jour.
Vous ne me croirez pas et je vous donne raison, mais c'est pourtant à ce genre de problèmes que les stratèges de l'armée française ont récemment obtenu un zéro pointé. En tout cas, ce zéro n'a pas été attribué par un pauvre et insignifiant camerounais, ex-pousseur et vendeur d'arachides à la sauvette comme moi, mais par ce qu'ils appellent là-bas en France "les Sages de la Rue Cambon" ou prosaïquement appelé la Cour des Comptes. Cette dernière, dans son rapport rendu public le 15 octobre 2013, nous dresse l'état comptable et financier lamentable d'une armée française sans réelle visibilité stratégique pour l'avenir, où personne ne contrôle ni ne maîtrise plus rien du tout.
Nous sommes en 2008 durant la présidence de Nicolas Sarkozy qui en pleine crise économique, décide de mettre l'armée à contribution en baissant son budget de 1,1 milliard d'euros durant son quinquennat. Il pose alors la question aux stratèges économistes du Ministère français de la Défense en ces termes : de combien devrais-je réduire l'effectif de l'armée française si je veux réaliser une économie de 1,1 milliard d'euros ? Réponse : de 23 000 militaires en 2 ans. Le président l'approuve et de 2009 à 2011, il va réussir à baisser l'effectif de l'armée française de 23 000 unités. Et de combien était l'économie ?
Je vous garantis que je ne mens pas : non seulement il n'y a pas eu d'économie, mais en plus, les dépenses ont augmenté d‘1 milliard d'euros. Comment ont-ils pu se tromper à ce point aussi grossièrement ? C'est simple. Ils ont confondu la "moyenne" et la "médiane". On n'a pas besoin d'aller à l'université pour l'apprendre.
Je l'ai appris en statistiques en classe de seconde BG au lycée technique de Douala. Ils ont juste fait la moyenne des salaires et ont coché sur une liste au hasard des noms de militaires à renvoyer, alors qu'ils auraient dû utiliser la médiane pour déterminer le salaire pour lequel la moitié des effectifs gagne au-dessous, et l’autre moitié gagne au-dessus de cette valeur.
Cela aurait tout simplement permis de se rendre compte qu'il ne servait à rien de réduire le nombre de militaires même de 23 000 unités en ciblant uniquement ceux en dessous de cette médiane, car cela n'aurait en rien fait changer le chiffre qu'on voulait affecter. En d'autres termes, ils ont diminué de 23 000 les militaires de bas rang que l’on appelle ici au Cameroun les Sans Gallon. La somme de leurs salaires était plutôt minable. C'est une erreur de débutants.
Cette erreur de médiane peut justifier que les dépenses ne diminuent pas autant que prévu, mais pas qu’elles augmentent.
Oui, c'est vrai. Sauf que les stratèges français ont commis une autre erreur très grave, ce qui est impardonnable lorsqu’elle est faite par des personnes qui travaillent pour les forces armées d'un pays. Le président Sarkozy a en toute bonne foi fait confiance à ses meilleurs experts. Et c'est là que se situe le problème de la qualité des meilleurs experts français dans le domaine militaire. Un militaire, avant d'entrer en guerre, est supposé tenir compte de tous les paramètres et de les analyser méticuleusement.
Malheureusement, dans cet exemple, ces experts français ont fourni à leur président une analyse tronquée et erronée d'une information capitale : dans les rémunérations des militaires français, il existe une sorte de mafia appelée primes. Elles sont au nombre de 174 différentes et personne n'y comprend rien du tout. En plus, cette manigance concerne 38% de la masse salariale des militaires français. Il n'est pas toujours clair pourquoi un militaire bénéficie d'une prime et son collègue non. Ce qui fait dire à la Cour des comptes, dans la conclusion de ce rapport à la mi-octobre 2013 :
"Le système indemnitaire des militaires français est trop complexe, peu lisible et difficilement contrôlable […] Un toilettage des primes pour supprimer celles qui n'ont plus de raison d'exister s'impose. En outre, il conviendra de mettre fin à un certain nombre de pratiques contestables. […] Aucune analyse complète n'a été réalisée depuis 2009, ce qui est préjudiciable à la maîtrise de la masse salariale. […]
En outre, la multiplicité des primes entretient une dynamique inflationniste et induit un coût de gestion. Intrinsèquement, l'absence de visibilité du régime indemnitaire et la difficulté de vérifier la réalité de certaines primes rendent le système hors contrôle".
Mais ces problèmes, nos stratèges français le savaient-ils ou non ?
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