QUELLES LECONS POUR L’AFRIQUE ? par Soany Pougala (le 13/06/2020) ---------------------------------- On entend souvent dire dans les médias que les Noirs ont choisi la mauvaise manière de manifester leur désir de mettre un terme à la discrimination raciale. Ils sont trop violents, trop provocateurs, ils ne choisissent pas le bon moment, ils sont trop exigeants. On les encourage à essayer une autre méthode, à « repasser plus tard », à baisser leur voix. Il ne faut rien détruire comme dans les manifestations de Ferguson, il ne faut pas marcher comme dans les manifestations de Floyd, il ne faut pas s’agenouiller silencieusement comme avec Kaepernick, il ne faut pas être trop vocal comme avec Martin Luther King. Car dans un pays qui valorise les droits de l’Homme, et sa valeur intrinsèque, admettre que à certains groupes de populations on refuse l’opportunité de s’élever avec la même dignité que la contrepartie du blanc, c’est admettre que ce pays n’est non pas basé sur le respect et la tolérance, mais l’oppression et la soumission. Or cela est inacceptable, car la suprématie blanche ne prend sa forme la plus puissante que quand elle ne peut pas être vue, pas être entendue, pas être ressentie. Ainsi, les injustices sociales ne sont pas réellement de la faute du gouvernement, des administrations, d’une race ou d’une classe sociale ; ce sont les Noirs qui ont mal entrepris leur requête. Le mensonge est diffusé ainsi : si les Noirs décrient le racisme systématique, mais qu’aucune mesure entreprise ne règle le problème, alors il ne peut y avoir que deux solutions possibles. Soit le problème est mal décrié ; soit il n’existe pas. Car dans un pays d’égalité entre les Hommes, il est impossible d’envisager la persécution d’un peuple soutenue par son administration, sans qu’aucun remède n’existe. On va donc convaincre aux Noirs d’Amérique, comme on a convaincu les Noirs d’Afrique, que s’ils ont échoué à obtenir la justice qu’ils demandent, ce n’est pas parce que les Blancs refusent de la donner – c’est parce que les Noirs ont échoué à correctement s’exprimer. Ainsi, on encourage les Noirs d’Afrique à manifester à chaque élection contre leur président, en insistant que le problème, ce n’est non pas l’impérialisme européen et l’indifférence occidentale qui sévissent l’Afrique, mais les dirigeants de leur pays qui ne se battent pas convenablement contre ce fléau. En Amérique, on décourage les Noirs à marcher paisiblement dans la rue, à coup d’armes chimiques, interdites même en zones de guerre selon les conventions de Genève (gaz lacrymogène). Mais le vrai problème n’est jamais la police qui est « violente », où les personnalités derrière les départements de police qui permettent autant d’abus de pouvoir – ce sont les manifestants, qui ont mal exprimé leur cause en cassant les vitres d’un supermarché d’une chaîne de magasins valant plusieurs dizaines de milliards de dollars en bourse. C’est là notre faute – c’est d’écouter le système contre lequel on se bat, nous dicter par quels moyens nous réussirons à le battre. Martin Luther King a marché silencieusement, en tenant des discours de paix, de fraternité et d’égalité entre les races – il n’en reste moins que les journaux américains le traitaient d’extrémiste noir, de violent qui prêche la haine et les tensions raciales. En 1968, une enquête réalisée aux États-Unis indique qu’il était détesté par 75% de la population du pays, sachant que la population noire américaine était d’environ 11% à ce moment. Lors de sa première interview à la télévision Britannique en 1963, Malcolm X dit : « On ne peut obtenir la liberté paisiblement. (…) Quiconque vous prive de liberté ne mérite pas une approche paisible. » Ce à quoi il rajoute, en parlant de la guerre de l’indépendance qu’ont mené les Américains en souhait se séparer du fardeau de l’Empire Britannique de 1775 à 1783 : « [L’homme Blanc] était prêt à payer le prix de la liberté. Quand vous être prêt à payer le prix de la liberté, vous l’obtenez. Mais le Noir de ce pays n’a jamais voulu payer le prix de sa liberté. Le seul prix que nous avons payé, c’est pour la liberté de l’homme Blanc. » Il ne faut pas croire qu’une « approche paisible » est une protestation légale et calme, encadrée par des officiers de police, ou un discours appelant à la réconciliation des races. Car si cela avait été le cas, Martin Luther King n’aurait pas été voté comme l’une des personnes les plus détestées d’Amérique en 1968, l’année de son assassinat. Demander sa liberté à son oppresseur, c’est un acte de violence assez menaçant pour entraîner de graves répercussions. Se mettre à genou lors d’un hymne, c’est déjà rentrer dans la brutalité. C’est pour cela qu’on ne peut pas obtenir sa liberté « paisiblement ». Martin Luther King disait que la paix, c’était la présence de la justice, et non pas l’absence de tension. Mais quand vous posez le problème de la discrimination, du racisme, de l’impérialisme et du néo-colonialisme, vous forcez une tension qu’ils ne doivent pas ignorer – c’est déjà être allé trop loin. Il y a une raison pour laquelle à l’école, les enfants entendent parler de Martin Luther King et non pas de Malcolm X, de Rosa Parks et non pas de Geronimo. Il y a une raison pour laquelle on leur enseigne les mots exacts du discours « I have a dream », et non pas les émeutes violentes suivant l’assassinat de King, qui mèneront à l’adoption du Civil Rights Act of 1968, mais uniquement après 6 jours de dégâts de propriétés qui coûteront 47 millions de dollars au gouvernement américain. L’histoire est écrite par les vainqueurs, ainsi nous devons continuer de nous battre. Car l’histoire sert souvent d’arme. Il y a une raison pour laquelle en Afrique, le programme scolaire à influence européenne encourage l’adoption d’un modèle américain ayant échoué, et dissimule des livres scolaires les acteurs qui ont failli réussir. Ces raisons, sont les « X » et les « Y » de notre équation, ces valeurs inconnues qui nous mèneront ultimement à la solution. Nous sommes ces oiseaux du Léviathan aux ailes noircies par la cheminée. Mais cette suie qui nous colle est également notre plus grande chance, car sur le sol elle retrace notre chemin emprunté et donc, notre sortie. ------------------------------- CONCLUSION Le jour où l’Afrique va lever la tête hors de l’eau, même les Noirs américains vont respirer. Contrairement aux afro-américains, les Noirs d’Afrique disposent de plusieurs leviers pour changer leur destin dont le premier dont avait parlé Tocqueville, ils ont la terre. Comme aux blancs hier, c’est cette terre qui leur donnera les usines. C’est cette terre qui financera convenablement les armées. C’est cette terre qui permettra d’attribuer aux X et Y, les nouvelles valeurs qu’ils veulent et qu’ils souhaitent. Ils ont pour cela à leur disposition, l’espace, l’espace vitale et la chance de ne pas avoir l’hiver. Le Mali, c’est 1 241 238 km2, c’est-à-dire, 2 fois plus grand que la France, plus 3 fois plus grand que l’Allemagne, 40 fois plus grand que la Belgique, 30 fois plus grand que la Suisse. Et pour seulement 20 millions d’habitants. Comment peut-on être pauvre dans de telles circonstances ? De l'amont vers l'aval, le fleuve Niger, 3ème plus long fleuve d’Afrique après le Nil et le Congo, traverse et arrose les plus importantes villes du Mali comme : Bamako, Koulikoro, Ségou, Djenné, Mopti, Niafunké, Tombouctou Gao et Ansongo. C’est dire que le désert n’empêche pas l’agriculture, puisqu’on a la chance d’avoir un tel long et important fleuve.
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