Lorsqu'on est né au ghetto et on y a grandi, on ne sait pas ce que c'est que le rêve ou l’adolescence, trop occupé pour lutter pour sa propre survie. Le plus dur pour un pauvre au ghetto, n'est pas de se demander s'il aura une maison demain, ou s'il possédera telle belle voiture qui vient de passer, mais comment trouver à manger aujourd'hui. Chaque jour qui se lève est en effet, une nouvelle angoisse, car exige de recommencer à zéro aujourd'hui, comme hier à trouver une nouvelle solution pour remplir l'estomac. (...) J'ai appris pour la première fois à la télévision italienne ce que c'était qu'un adolescent. Et la définition que les sociologues et spécialistes en donnaient m'ont fait pouffer de rire. Parce que je n'avais jamais été adolescent et j'avais du mal à comprendre que c'était lié à un âge. Je ne comprenais surtout pas, comment un jeune pour savoir qu'il grandissait serait devenu rebelle contre ses parents. Quand on est né qu ghetto, on apprend vite, par la force de la vie, à devenir très vite son propre papa et sa propre maman. Contre qui donc peut-on se rebeller ensuite ? Contre soi-même ? (...) Les italiens devenaient adultes à 18 ans alors que les camerounais l'étaient à 21 ans. J'étais convaincu, envoyant les comportements de mes camarades d'université italien que cela aurait dû être l'inverse. Un jeune italien, à l'université, se faisait encore laver les sous-vêtements, caleçons et soutien-gorge compris par les parents. Je trouvais cela très étrange pour des jeunes, car au ghetto, on avait appris très tôt que ce sont les enfants qui lavent les habits des adultes et non l'inverse. C'est cela la loi du ghetto : le plus fort écrase le plus faible et lui impose sa force, parce que de toute sa journée, c'est peut-être la seule occasion qu'il aura de parler fort à quelqu'un.